
Parlons aujourd’hui d’un des plus grands succès littéraires des dernière années sur le thème de la Seconde Guerre Mondiale : Un Sac de Billes, de Joseph Joffo. Roman autobiographique, il a même eu droit à son adaptation cinématographique en 2017, et c’est après avoir visionné ce fil absolument incroyable que j’ai commencé à avoir l’envie de lire le roman. Je l’ai acheté après avoir lu l’autobiographie de Simone Veil, mais il a poireauté dans mes placards pendant quelques mois tout de même.
Après avoir lu le premier tome des Déracinés, cependant, j’ai retrouvé la force de me plonger dans un tel récit ; depuis plusieurs mois, je m’intéresse de plus en plus à la littérature de la seconde guerre mondiale, mais les récits sont tellement glaçants et bouleversants que j’ai toujours besoin d’un petit temps d’assimilation avant de ma lancer dans une nouvelle lecture. Le tome des Déracinés, qui a été un véritable coup de cœur pour moi, m’a redonné le courage de me replonger dans une autobiographie, parce que ce sont les récits qui me paralysent le plus. Mais je digresse ! Quelques infos avant de vous parler de ce roman que j’ai tout bonnement adoré.

Ils ne m’ont pas pris ma vie, ils ont peut-être fait pire, ils me volent mon enfance, ils ont tué en moi l’enfant que je pouvais être…

TITRE : Un Sac de Billes
AUTEUR : Joseph Joffo
ÉDITÉ PAR : Livre de Poche
NOMBRE DE PAGES : 252 pages
DATE DE PARUTION : 1973
GENRE : Récit autobiographique.
PRIX : 5,90€ (poche/broché)
RÉSUMÉ : Paris, 1941. La France est occupée. Joseph et Maurice, deux frères juifs âgés de dix et douze ans, partent seuls sur les routes pour tenter de gagner la zone libre.
Récit autobiographique publié en 1973, traduit en dix-huit langues, Un sac de billes est un des plus grands succès de librairie de ces dernières décennies.

Impossible que vous n’ayez jamais entendu parler d’Un Sac de Billes. Ce récit autobiographique de Joseph Joffo, dans lequel il nous fait part de son expérience de la Seconde Guerre Mondiale, publié en 1973, avant sa réédition en 1992, est un véritable succès littéraire : à tel point qu’il a eu droit, en 2017, à une adaptation au cinéma, tout aussi bouleversante que le roman lui-même.
Un frère est quelqu’un à qui on rend la dernière bille qu’on vient de lui gagner.
1941. Alors que l’influence du IIIe Reich progresse dans les rues de Paris et que le régime de Vichy s’installe avec la complicité du maréchal Pétain, les Joffo continue d’exercer leur profession de coiffeur ; jusqu’au jour où le port de l’étoile est ordonné par le gouvernement pour tous les Juifs. Pressés par leurs parents, qui ont eux-mêmes déjà eu une première expérience de l’antisémitisme avec les pogroms en Russie, Joseph, dernier d’une famille de sept enfants, et Maurice, son aîné de deux ans, sont envoyés tous les deux sur les chemins de travers dans la France entière, dans l’espoir de rejoindre la zone libre rejoindre Albert et Henri, leur aînés. Ils sont alors âgés respectivement âgé de 10 et 12 ans, et doivent pour la première fois de leur jeune vie se confronter au danger, et à la haine pure et dure, sans raison, de l’autre. Ils vont devoir apprendre à se débrouiller seuls, et surtout, surtout, ne jamais faire confiance à d’autres qu’à eux-mêmes.
Ne jamais révéler qu’ils sont Juifs, quelque soit la situation.
M. Boulier m’a regardé et puis son regard est devenu vide comme si toutes ses pensées s’étaient envolées d’un coup. Lentement il a pris la grande règle sur son bureau et il en a placé l’extrémité sur la carte de France suspendue au mur. Il a montré une ligne qui descendait de Lyon jusqu’en Avignon et il a dit :
– Le sillon rhodanien sépare les massifs anciens du Massif central des montagnes plus jeunes…
La leçon était commencée et j’ai compris que pour moi, l’école était finie.
Mais qu’est-ce qu’un juif ? Joseph Joffo pose la question à de nombreuses reprises dans son récit ; et si elle paraît parfaitement claire dans la bouche d’un enfant, limpide, elle prête tout de même à réflexion ; au même titre qu’un catholique, ou qu’un musulman, qu’est-ce qu’un juif ? Peut-on seulement être réduit à cette partie de notre identité, de notre culture ? Parce qu’avant d’être juif, Joseph est un petit garçon de dix ans, et se considère uniquement comme tel ; nous sommes humains avant tout. Alors pourquoi s’en prendre à deux petits garçons qui n’ont jamais fait de mal à quiconque durant leur jeune vie, qui n’ont d’autre conscience que leur propre existence et celle de leur famille ? Comment rester insensible d’ailleurs, à la complicité et du lien fraternel puissant qui lient les deux frères durant tout le récit ?
Je voudrais te demander : qu’est ce que c’est qu’un Juif ? […] – Eh bien, ça m’embête un peu de te le dire, Joseph, mais au fond, je ne sais pas bien.
La tension dramatique du récit ne tient cependant pas tant à la densité du roman, qui reste finalement assez facile à lire, mais à l’ambivalence qui se dégage de l’écriture. Joseph Joffo, par son écriture simple et sans grandiloquence, parvient à retranscrire toute l’innocence de l’enfant qu’il a été alors, et toute la douleur qu’il a ressenti alors que cette même innocence lui était ainsi volé. Il retrace son parcours avec honnêteté, force et simplicité. L’angoisse du voyage, la peur, les enjeux sociaux et politiques se font ressentir non pas sur de longs monologues descriptifs, mais sur les mots les plus banals qui soient, et c’est cette banalisation de la violence, assimilée jusque dans l’écriture, qui la rend si glaçante. Elle est là, présente, dans le quotidien, dans les moindres gestes et les moindres pensées. C’est l’ambivalence entre cette innocence et ce danger permanent qui nous tient en haleine ; Joffo nous insuffle à la fois la conscience des événements et un certain dédain à ce sujet en nous livrant un récit où la vie cherche à s’écouler encore comme si de rien n’était.
J’ai l’impression que le rêve de sa vie aurait été de m’enfoncer dans le mur et je me pose la question : Pourquoi, je suis donc son ennemi ? On ne s’est jamais vus, je ne lui ai rien fait et il veut me tuer.
Tout au long du récit, Joseph perd peu à peu de son innocence pour finir par devenir un adolescent déjà adulte. Plus le récit progresse et plus l’écriture est glaçante, avec des passages véritablement traumatisants ; celui de l’hôtel Excelsior – quartier général des nazis à Nice, où Simone Veil a d’ailleurs fait un passage en 1944 avant sa déportation – est le point culminant du récit, sans doute le plus terrible, parce que la menace est cette fois plus nette que jamais, et parce que la vie de Joseph et de Maurice ne tient plus qu’à un fil. Joseph et Maurice se défendent d’être juif envers et contre tout, et la moindre petit erreur peut précipiter leur mort. Ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, et ce, malgré les amitiés qu’ils lient – avec les Italiens, les gamins du camp qui les héberge.
Mais ce roman n’est pas seulement un récit traumatique de la terreur qui régnait en France. C’est un cri d’espoir et d’amour, un récit des solidarités spontanées malgré les événements, malgré les menaces, malgré la guerre, parce que sans ces aides providentielles, venues de nulle part, ni Joseph, ni Maurice, n’auraient survécu. Un message pour ne jamais connaître de nouveau les moments les plus sombres de l’histoire de la France. Quand Joseph et Maurice rentrent, au terme de leur parcours, ils retrouvent leur famille, indemne, ou presque : la guerre aura finalement eu raison du père Joffo, alors que les pogroms n’ont su le faire tomber, un père qui les a envoyé sur les routes de l’exil et qui leur a permis, tout au long de leur voyage d’éviter la sentence la plus terrible ; la déportation.
Il y a des moments où il suffit de peu de chose pour que la vie continue ou qu’elle s’arrête.

Un Sac de Billes ; titre au premier abord étonnant pour ce récit bouleversant sur l’expérience de la seconde guerre mondiale, mais qui résume parfaitement la perte de l’innocence, qui se brise et vole en éclats avec une certaine ironie dramatique. Parce que, loin des cours d’école, la peur est là, tenue assourdissante, mais bien présente, et ne nous quitte jamais ; Joffo a voulu nous raconter sa propre expérience, mais surtout, nous délivrer un message d’espoir et d’amour. Ne plus jamais connaître l’horreur. Ne plus connaître ; mais ne jamais oublier.
Je peux marcher longtemps à présent, je n’ai plus d’ampoules. La plante de mes pieds, la peau de mes talons a dû durcir. […] Grandi, durci, changé… Peut-être le cœur aussi s’est habitué, il s’est rodé aux catastrophes, peut-être est-il devenu incapable d’éprouver un chagrin profond… […] Il me semble que les osselets ne me tenteraient plus à présent, les billes non plus d’ailleurs, une partie de ballon peut-être, et encore… Pourtant ce sont là des choses de mon âge, après tout je n’ai pas tout à fait douze ans, cela devrait me faire envie… eh bien non. Peut-être ai-je cru jusqu’à présent me sortir indemne de cette guerre, mais c’est peut-être cela l’erreur.
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