Mes Revues Littéraires

Bel-Ami, Guy de Maupassant.

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Le monde est une mascarade où le succès va de préférence aux crapules. La réussite, les honneurs, les femmes et le pouvoir: le monde n’a guère changé. On rencontre toujours – moins les moustaches – dans les salles de rédaction ou ailleurs, de ces jeunes aventuriers de l’arrivisme et du sexe. Comme Flaubert, mais en riant, Maupassant disait de son personnage, l’odieux Duroy :  » Bel-Ami, c’est moi. » Et pour le cynisme, la fureur sensuelle, l’athéisme, la peur de la mort, ils se ressemblaient assez. Mais Bel-Ami ne savait pas écrire, et devenait l’amant et le négrier d’une femme talentueuse et brillante. Maupassant, lui, était un immense écrivain. Universel, déjà, mais par son réalisme, ses obsessions et ses névroses, encore vivant aujourd’hui.

Vous l’aurez bien compris, nous allons aujourd’hui nous pencher sur l’une des œuvres les plus célèbres de ce génie littéraire qu’est Guy de Maupassant, Bel-Ami, ce roman qui raconte l’ascension sociale d’un jeune arriviste sans talent et sans morale. Attention, roman très dense, donc longue critique !

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Note : 5 sur 5.

Je ne suis qu’un pauvre diable sans fortune et dont la position est à faire, vous le savez. Mais j’ai de la volonté, quelque intelligence à ce que je crois, et je suis en route, en bonne route. Avec un homme arrivé on sait ce qu’on prend ; avec un homme qui commence on ne sait pas où il ira.

Bel-Ami.

TITRE : Bel-Ami

AUTEUR : Guy de Maupassant

ÉDITÉ PAR : Gallimard, coll. Folio Classique

NOMBRE DE PAGES : 448 pages

DATE DE PARUTION : 1885

GENRE : Littérature classique

PRIX : 3,50 € (poche) / 5,49€ (e-book)

RÉSUMÉ : Georges Duroy, dit Bel-Ami, est un jeune homme au physique avantageux. Le hasard d’une rencontre le met sur la voie de l’ascension sociale. Malgré sa vulgarité et son ignorance, cet arriviste parvient au sommet par l’intermédiaire de ses maîtresses et du journalisme. Cinq héroïnes vont tour à tour l’initier aux mystères du métier, aux secrets de la mondanité et lui assurer la réussite qu’il espère. Dans cette société parisienne en pleine expansion capitaliste et coloniale, que Maupassant dénonce avec force parce qu’il la connaît bien, les femmes éduquent, conseillent, œuvrent dans l’ombre. La presse, la politique, la finance s’entremêlent. Mais derrière les combines politiques et financières, l’érotisme intéressé, la mort est là qui veille, et avec elle, l’angoisse que chacun porte au fond de lui-même.

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La vie est une côte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux ; mais, lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend.

Le premier élément qui m’a surprise à la lecture de ce premier roman de Maupassant pour moi, c’est la qualité de sa plume ; je ne parle pas de talent – cela va sans dire – mais plutôt de simplicité et de sa fluidité. Maupassant a beau être un auteur du 19e siècle, il est cependant moins difficile à lire que ses contemporains du romantisme, dont les styles d’écriture sont bien souvent plus alambiqués et verbeux. Ainsi, si vous désirez lire du classique sans vous prendre la tête à déchiffrer le vocabulaires et les tournures de phrases de l’époque, Maupassant est l’auteur idéal pour vous. Et ce n’est pas la seule qualité du roman.

Pensez à tout cela, jeune homme, pensez-y pendant des jours, des mois et des années, et vous verrez l’existence d’une autre façon. Essayez donc de vous dégager de tout ce qui vous enferme, faites cet effort surhumain de sortir vivant de votre corps, de vos intérêts, de vos pensées et de l’humanité tout entière, pour regarder ailleurs, et vous comprendrez combien ont peu d’importance les querelles des romantiques et des naturalistes, et la discussion du budget.

Ne vous y trompez pas ! Le résumé laisse penser que le roman est sans réelle histoire, qu’il ne s’y passe rien. Mais même les romans sur rien – à l’instar de Madame Bovary – possèdent des thèmes forts et poignants ; c’est le cas aussi pour Bel-Ami. Le résumé pourrait nous faire penser qu’il s’agit d’une banale ascension sociale et d’une succession de rencontres avec le personnage principal – George Duroy, surnommé plus tard Bel-Ami – mais il n’en est rien. L’intrigue est cimentée autour de personnages riches, complexes et réalistes, décortique l’angoisse que chacun porte en lui, le monde du journalisme et plus largement la société du 19e siècle, notamment les sujets de la colonisation et de la place de la femme. Avec cette toile de fond riche, le roman est de ce fait extrêmement moderne pour son époque !

On naît, on grandit, on est heureux, on attend, puis on meurt. Adieu ! homme ou femme, tu ne reviendras point sur la terre ! Et pourtant chacun porte en soi le désir fiévreux et irréalisable de l’éternité, chacun est une sorte d’univers dans l’univers, et chacun s’anéantit bientôt complètement dans le fumier des germes nouveaux. Les plantes, les bêtes, les hommes, les étoiles, les mondes, tout s’anime, puis meurt pour se transformer. Et jamais un être ne revient, insecte, homme ou planète !

Intéressons-nous maintenant aux personnages ; là encore, Maupassant nous dévoile un peu plus son génie, avec un nombre de protagonistes et antagonistes au final assez élevé, et surtout riche et variés. Comme Honoré de Balzac et sa Comédie Humaine, Maupassant tend ici à dépeindre une véritable toile sociale, avec des personnages de tous les milieux, de toutes les catégories, et surtout, de toutes les bassesses et les peurs humaines. Chaque personnage serait intéressant à décortiquer et étudier, mais ici nous allons simplement nous concentrer sur Georges Duroy, véritable anti-héros, et Madeleine Forestier, personnage féminin extrêmement moderne pour l’époque.

Il s’était imaginé jusque-là que pour aborder et conquérir une de ces créatures tant désirées, il fallait des soins infinis, des attentes interminables, un siège habile fait de galanteries, de paroles d’amour, de soupirs et de cadeaux. Et voilà que tout d’un coup, à la moindre attaque, la première qu’il rencontrait s’abandonnait à lui, si vite qu’il en demeurait stupéfait.

Georges Duroy n’est qu’un arriviste qui désire la gloire et la fortune ; sans talent particulier, mis à part celui d’être « bien mis », il parvient cependant, grâce à un ami et à ses relations avec les femmes, à se tailler une place dans le monde du journalisme et de la politique. Derrière sa médiocrité – soyons francs, le personnage en lui-même est médiocre, ni stupide ni particulièrement intelligent, assez flemmard par ailleurs – se cachent des femmes, cinq amantes qui le mèneront à la réussite. Le seul véritable talent de Duroy – ses dons de séducteurs – n’est motivé que par son ambition d’être toujours un peu plus riche, un peu plus reconnu. Il serait facile de penser que Duroy n’est qu’un jaloux sans cœur et sans morale, mais en vérité, ce désir de réussite et de reconnaissance dissimule avant tout une terrible angoisse de la mort – l’envie de Duroy de réussite n’est au final que le seul moyen pour lui d’échapper à cette peur de vivre en pure perte. Pour cela, il est prêt à réaliser toutes les bassesses – trahison, infidélité, mensonges, manipulation – pour atteindre son but. Nous le voyons d’ailleurs dès la première scène du roman ; alors que Duroy n’a presque plus de sou, il n’hésite pourtant pas à dépenser le peu qu’il lui reste de son salaire dans un divertissement dont il aurait bien pu se passer ; il ne s’inquiète de sa misère que l’instant d’après. Cette scène est au finale très révélatrice de ce désir de vivre dans l’instant. En ce qui concerne les femmes, Duroy fait dans le pragmatique ; sans sentiments, pour son plaisir, ou parce qu’elles peuvent lui rapporter quelque prestige ou lui rendre un précieux service. Son désir de réussite surpasse tout ; et Duroy n’hésitera pas à sacrifier à plusieurs reprises Clotilde de Marelle, l’une de ses maîtresses et la seule femme qu’il aime véritablement et réciproquement.

Parlons maintenant de Madeleine Forestier : épouse de Charles Forestier, l’ami qui fait rentrer Duroy au journal, c’est une femme très intelligente et ambitieuse. Dans une société où les femmes n’ont pas voix au chapitre et où le journalisme est un métier d’homme, Madeleine Forestier se sert, par l’intermédiaire de ses maris, de leur position pour exercer sa plume et agit comme leur pygmalion. L’intelligence vive de Madeleine Forestier séduit Duroy, et le rend jaloux de Charles ; Duroy ne peut concevoir que son « ami » – qu’il considère comme bien moins important et intelligent que lui – possède (terme employé dans le roman) une telle femme. Duroy remarque en effet le potentiel de Madeleine, et songe qu’avec pareille épouse à ses côtés, conquérir la société lui serait bien plus facile. Ainsi, dès que Forestier meurt, Duroy épouse Madeleine Forestier et reprend les fonctions de son défunt mari au journal. Madeleine Forestier est une femme séduisante, manipulatrice et ambitieuse ; elle agit ainsi comme le pendant féminin de Duroy. Tout comme lui, elle sait s’entourer et est très déterminée à réussir dans des milieux pourtant masculins, même si elle doit agir dans l’ombre : comme lui, elle choisit ses relations, dicte ses conditions à Duroy quant à leur mariage ; elle veut être traitée non pas comme une inférieure, mais comme une égale, une partenaire. Elle est dans ce sens extrêmement moderne, et véhicule les idées féministes de l’auteur.

Il est si profond et si triste, le silence des chambres où l’on vit seul. Ce n’est pas seulement un silence autour du corps, mais un silence autour de l’âme, et, quand un meuble craque, on tressaille jusqu’au cœur, car aucun bruit n’est attendu dans ce morne logis.

Nous l’avons vu plus haut, dans ce roman réaliste, ce n’est pas l’amour qui dirige la société, mais l’ambition et la réussite sociale. L’amour est vite relégué au second plan, pourtant les relations amoureuses et la sexualité en générale occupe une grande place dans l’histoire, puis que c’est grâce à leur intermédiaire que Duroy parvient à la réussite sociale. C’est par les relations sexuelles que tout commence – avec Rachel, la prostituée – et que tout finit – avec Suzanne, la fille du propriétaire du journal que Duroy épouse à la fin du roman. Deux réalités très nettes se dégagent ici ; d’une part, même dans l’intimité, la réussite de Duroy est démontré : lui qui commence sans le sou avec une femme de bas-étage finit par se marier avec une jeune femme de bonne famille, fille du propriétaire du journal où il travaille. Il semble y avoir ici une espèce de réussite de l’amour, qui toutefois n’est pas complète puisque Duroy aime toujours Clotilde de Marelle. L’amour reste au final la seule défaite de Duroy, lui qui a finit par renoncer à la seule femme qu’il aime et avec laquelle il était réellement heureux pour quoi ? l’argent, la réussite, le succès. C’est une vision de l’auteur de la société et de l’amour somme toute assez moderne – si l’on cherche bien, nous pouvons même entrevoir un paradoxe avec notre société contemporaine, où l’apparence et l’influence sur les réseaux remporte tous les suffrages à défaut du reste. Deuxième chose, la description des relations amoureuses et sexuelles est une fois de plus assez moderne dans le romans, la conception de l’amour et de la sexualité se rapprochant au final assez bien de la nôtre.

Les paroles d’amour, qui sont toujours les mêmes, prennent le goût des lèvres dont elles sortent.

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Regardez les gens médiocres ; à moins de grands désastres tombant sur eux ils se trouvent satisfaits, sans souffrir du malheur commun. Les bêtes non plus ne le sentent pas.

Au-delà de d’un simple roman sur l’ascension sociale d’un jeune arriviste, Bel-Ami est bien plus que ce la, c’est une véritable fresque sociale qui nous plonge au cœur du dysfonctionnement et des bassesses humaines. Le Journal, en effet, loin de relater l’actualité, n’est qu’un instrument destiné à enrichir le propriétaire, les actionnaires et placer ses pions sur l’échiquier politique comme bon lui semble. Les personnages, l’angoisse de la mort au cœur – cela se voit particulièrement lors de la scène d’agonie de Charles Forestier – sont prêts à toutes les manipulations pour parvenir à leur fins et assouvir leur désirs.

Maupassant, avec son génie, nous livre ici un roman formidablement moderne où l’appât du gain surpasse le reste, au mépris des sentiments et de la bonne conduite. Maupassant critique ici l’ensemble de la bourgeoisie et de la politique par ses personnages dévorés par l’ambition.

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