Le Voleur de Baisers, L.J. Shen

Une critique très en retard, d’une romance coup de cœur pourtant ! Il est rare que les romances provoquent des coups de cœur sur ce blog – mis à part pour les deux tomes d’Ashes Falling For The Sky – les autres lectures ont pour la plupart donné lieu à des avis mitigés – avec la dernière en date de 49 jours, je compterai pour toi – voire des déceptions – Le Marchand de Sable en est un parfait exemple.

Je ne suis donc pas une fervente partisane des romance de chez Hugo, quand bien même j’en apprécie certaines, même rarement. Mais Le Voleur de baisers est parvenu à se frayer un chemin dans mon cœur. Attention, alerte livre à dévorer en une journée ! Pour cette lecture, plongeons au cœur de la mafia de Chicago, là où le sang coule et où la morale disparait pour la fierté, l’honneur, et le désir de puissance.

Note : 4 sur 5.

Le prince ne sauve pas la princesse. Il la torture. Et la belle ne dort pas. Elle est prisonnière. D’un cauchemar.

TITRE : Le voleurs de baisers

AUTEUR : L.J. Shen

ÉDITÉ PAR : Hugo Roman

NOMBRE DE PAGES : 391 pages

DATE DE PARUTION : 5 Décembre 2019

GENRE : New Romance

PRIX : 17 € (broché) / 8,50€ (poche)

RÉSUMÉ : Elle ne lui était pas destinée.
Être la fille d’un parrain de la mafia italienne de Chicago fait de la toute jeune femme une personne à part. Francesca va vite le découvrir que son avenir qui semblait tout tracé va être bouleversé par un homme qu’elle ne connaissait même pas.
Depuis son plus jeune âge, elle rêve d’épouser un homme qu’elle connaît depuis toujours : comme elle, il appartient à une famille criminelle ; ils s’aiment et ont la même vision de la vie.
Mais le sénateur Wolfe Keaton a d’autres projets pour elle. Cet avocat a une revanche à prendre sur la famille de Francesca et il a bien l’intention de l’utiliser comme un pion dans la partie d’échec qui l’oppose au père de la jeune femme. Pour cela, il veut en faire son épouse.
La voilà obligée d’oublier tous ses projets, celui qu’elle est sûre d’aimer, sa liberté.
Wolfe estimait avoir pensé sa vengeance jusque dans les moindres détails. Mais il a sans doute sous-estimé Francesca et les sentiments qu’elle lui inspire.

Enorme coup de cœur pour ce roman bordeline et à la limite du décent de L.J. Shen. Nous y rencontrons Francesca, une très jeune femme de dix-neuf, qui se trouve fiancée du jour au lendemain au sénateur Wolfe Keaton, un homme aussi froid que possible, dangereux et sauvage comme son nom le laisse tout à fait présager. Alors que Francesca pensait enfin pouvoir se fiancer puis se marier à son amour d’enfance, Angelo, son père en décide autrement et accorde sa main au sénateur, que Francesca n’apprécie guère. C’est le cœur brisée qu’elle est contrainte de s’installer chez lui, de quitter les siens et ceux qu’elle aime.

Existe-t-il sentiment plus libérateur que celui de se sentir aimée ?

Parlons aspects pratiques tout d’abord : Hugo Roman n’est pas toujours au mieux de ses capacités éditoriales, et le roman broché nous le prouve encore une fois avec une police désagréable, minuscule, dû à des bords de pages beaucoup trop grands qui aurait mérité une peu plus de réductions. Si l’histoire est addictive – pour ma part, je l’ai lue en moins de vingt-quatre heures – la lecture n’est en revanche pas facilitée avec ces choix de éditoriaux. Ce n’est pas la première fois qu’Hugo se montre décevant au niveau de son édition pratique – rappelons une fois de plus le Marchand de Sable

Tu la traites comme une ennemie avant même qu’elle ne te trahisse. Tout ce qu’elle sait de toi, c’est que tu es un homme puissant, qui déteste sa famille et ne veut rien avoir à faire avec elle. Pourtant, tu lui as clairement signifié que jamais tu ne la laisserais partir. Bref, […], elle est prisonnière. Pour un crime qu’elle n’a pas commis.

Mais revenons-en à l’histoire en générale, où l’auteure marque des bons points d’emblée. Si celle-ci est addictive dès les premières lignes, c’est grâce à son action qui ne s’essouffle jamais, même dans les scènes entre Wolfe et Francesca. Elle comporte une vrai fond – le monde de la mafia et le travail du sénateur pour participer à son démantèlement. L’écriture, bien que moins poétique que d’autre, révèle en revanche tout le travail fait en amont par l’auteure, qui sait exactement où elle va ; cela se ressent. Mais si l’histoire est addictive, c’est surtout en raison de l’ambiance malsaine et toxique qui s’en dégage, non seulement dans la relation entre Francesca et Wolfe mais plus largement entre tous les personnages. La rancoeur qui anime Wolfe et le père de Francesca, l’abnégation de cette dernière… Tout est fait pour vous rendre accro aux personnages – sans garantie, pourtant, de les aimer. Lire le voleur de baiser, c’est comme une course contre la montre ; effréné, épuisant, passionnant.

Tomber amoureuse est une tragédie. Pas étonnant que ça rende les gens aussi tristes.

Ce qui rend la lecture véritablement addictive, c’est évidemment la romance entre Wolfe et Francesca. Il est difficile de qualifier celle-ci d’amoureuse, cependant, en raison de sa toxicité. Cette relation reste en effet très borderline, avec des scènes choquantes qui flirtent parfois avec le viol pur et dur, un consentement en demi-teinte, et de violences morales en mentales. Même si l’histoire est appréciable, il est donc difficile de s’épargner un cas de conscience avec cette romantisation de leur romance ; rappelons tout de même que Francesca est vendue Wolfe par son père, et qu’elle est prête à tous les sacrifices pour le dompter. Jeune femme sans connaissance de l’homme puisque ses parents l’ont protégé toute sa vie – elle n’a même jamais embrassé Angelo, qu’elle aime depuis l’enfance et dont elle est aimée en retour – Francesca a ses périodes de naïveté, malgré la force tranquille qui se dégage d’elle et dont Wolfe finit par prendre conscience peu à peu après l’avoir traitée comme une poupée fragile et sans une once de volonté. Certaines scènes m’ont fait monté les larmes aux yeux tant celles-ci étaient violentes et insoutenables, mais encore une fois, c’est aussi ce qui rend l’histoire si addictive. Plusieurs fois, je me suis fait la réflexion que le Voleur de Baisers s’apparentait à une réécriture de la Belle et la Bête avec un soupçon de Roméo et Juliette, de syndrome de Stockholm, et du Parrain.

Je n’en peux plus. Mon père est un tyran et Wolfe s’acharne à détruire ma famille comme ma vie. C’est trop. Je pose le front contre le bois froid du banc, continuant à pleurer en silence à mesure que toute énergie et toute colère s’échappe de mon corps. 

Plus que la relation entre Wolfe et Francesca, ce sont les personnages eux-mêmes qui rendent l’histoire aussi plaisante en dépit de son caractère borderline. Pour ce qui est de Francesca, difficile de ne pas être à la fois admirative devant son courage et peinée par sa situation. A moins que son courage ne soit de la soumission. C’est tout l’ambiguïté du personnage féminin, qui cependant n’a rien de la cruche naïve et ignorante que l’on pourrait imaginer dans les premiers chapitres. C’est sa gentillesse qui finit par désarmer Wolfe, le grand méchant loup, elle essaie de le comprendre avant de le condamner, ce qui ne l’empêche pas de lui tenir tête et de n’en faire qu’à la sienne. Elle riposte, et accepte la négociation de Wolfe en choisissant de saisir l’opportunité de prendre sa vie en main que ces fiançailles forcées lui offrent, en allant à l’encontre des principes rétrogrades inculqués par son père. Elle se relève, se bat, sans chercher à s’enfuir, mais plutôt en acceptant sa vie telle qu’elle est. Force ou faiblesse ? Soumission ou courage ? A vous de faire votre propre interprétation de l’attitude de Francesca. Il s’agit sans doute un peu des deux.

On dit que les vœux de mariage sont sacrés. Les miens ont été brisés avant la sortie de l’église.

On dit que notre cœur ne bat que pour un seul homme.

Le mien s’est brisé et a saigné pour deux rivaux qui se sont battus jusqu’au bout pour sa conquête.

Pour ce qui est de Wolfe, en revanche, je ne l’ai pas tant apprécié que ça, ce qui arrive de rare fois dans les romances, où le personnage masculin est souvent le moteur, ici, ce n’est autre que Francesca – et cela fait beaucoup de bien d’avoir une véritable héroïne. Wolfe est un personnage complexe, avec un passé sombre – évidemment – mais il se montre bien plus violent que tous les autres héros de romance – Hardin compris. Parce qu’en dépit du fait que Wolfe « achète » Francesca, il lui permet aussi de vivre plus librement que sa famille ne l’aurait laissé faire. Il lui permet d’étudier, de se construire une carrière, de profiter pleinement de son existence, et c’est agréable de remarquer qu’il ne l’amadoue pas à coup d’argent et de séances de shopping (coucou 365 DNI), mais avec l’opportunité de savoir et d’apprendre. En dépit de sa violence, de ses propos ravageurs, de sa méchanceté, Wolfe la protège. Est-ce que cela suffit cependant à accepter totalement ses humiliations envers elle, ses propos tordus, et le piège dans lequel il la traîné de force ? Pas sûre.

– Embrasse-moi correctement.

Ma voix tremble alors que je formule ma requête, parce que la dernière fois qu’on m’a embrassée, la seule fois où j’ai été embrassée, c’était tout le contraire de correct.

– Je vais t’embrasser de la seule manière que je puisse sans te donner mon cœur, Francesca Rossi. De la seule manière que tu mérites d’être embrassée.

Dernier personnage, peu évoqué, mais pas des moindres ; Angelo, l’amoureux d’enfance de Francesca. Que dire sur cette véritable crème ? Un véritable réconfort à lire, comme un chocolat chaud par un temps de pluie. En dépit de ses sentiments amoureux et de sa peine causée par les fiançailles de Francesca avec Wolfe, il reste son meilleur allié, jusqu’au bout, et c’est un vrai personnage secondaire que L.J. Shen nous livre, sans aucune fadeur. En résumé, les personnalités complexes, ambiguës de tout un chacun participent à rendre la lecture entraînante, mais perturbante aussi.

Wolfe Keaton est un voleur de baisers, mais il n’a pas pris que ça. Il a volé mon cœur. Il l’a arraché de ma poitrine et l’a mis dans sa poche. Et moi, je fais ce qu’il m’avait prédit, je le fais de mon plein gré : j’ouvre les cuisses et je le supplie, encore, et cette fois je le pense vraiment.

Mais malgré tous ces bons points, beaucoup de critiques, surtout concernant la romantisation de la relation borderline entre Francesca et Wolfe (rappelons qu’elle n’a même pas la vingtaine et lui, trente ans !), critiques tout à fait légitime d’ailleurs. Pour ma part, mon interprétation (qui sera à lire juste en dessous) n’est pas si heureuse que ça, pour d’autre elle est beaucoup plus positive, mais je rejoins les avis défavorables sur le roman. Oui, il y a romantisation d’une relation abusive et malsaine, mais cette romantisation n’est pas tant du fait de l’auteur ; en prêtant attention à la façon dont elle écrit et construit ses personnages, elle reste tout de même assez prudente de ce côté-là, avec un Wolfe qui réalise ses erreurs, une Francesca qui ne pardonne pas. Ce qui romantise vraiment l’histoire et la relation, c’est une erreur, une maladresse idiote mais grave de la part de l’éditeur qui est pour moi inacceptable : le classement en new romance, et l’absence d’avertissement. Le roman comporte tellement de scènes choquantes et de propos obscènes qu’il aurait largement mérité sa place en dark, précisant de ce fait qu’il s’adresse déjà à des lecteurs beaucoup plus avertis. La new romance est généralement plus douce, plus cocooning, et peut convenir à des adolescents ; mais soyons honnête, ce roman n’a rien à faire dans cette catégorie. C’est tout bête, mais la dark romance signale déjà un univers beaucoup plus sombre, beaucoup plus violent. Au moins, un avertissement aurait été de rigueur, à destination des adolescents – libres à eux ensuite de l’ignorer, mais il aurait le mérite d’exister. Gros cafouillage chez l’éditeur donc, à mon avis. Ce sont eux qui romantisent l’univers.

Pour la toute première fois, mon père déchoit de son piédestal, il n’est plus un dieu. Lui aussi a des faiblesses. Et Wolfe Keaton vient de les trouver toutes pour les exploiter à son profit.

Pour finir, parlons un peu de mon interprétation. Attention, la partie suivante contient un SPOILER. A lire à vos risques et périls !
En dépit, donc, de l’addictivité du roman et du coup de cœur que j’ai eu pour lui, je ne peux m’empêcher de penser que l’histoire finit mal, parce que pour moi, Francesca finit avec le mauvais mec. D’un côté, nous avons Wolfe, qui suscite du désir chez elle, un désir qu’Angelo n’a pas forcément eu l’occasion d’allumer, et je pense que Francesca confond le désir avec l’amour. Ce qu’elle éprouvait pour Angelo, leur relation, leur histoire était adorable, réciproque, pure, et Wolfe, même s’il a ses moments, même s’il la protège, est lui aussi emballé par son désir. Je ne peux dire qu’il n’existe pas de sentiments entre eux, mais jusqu’à un long moment, Francesca garde Angelo en tête et dans son coeur, et je pense que c’est un effet du syndrome de Stockholm, du syndrome du « sauveur ».

Pour être honnête, j’aurais préféré que Francesca choisisse Angelo à Wolfe. L’histoire est bien, mais ce n’est pas une jolie histoire, c’est une histoire qui finit mal à mes yeux. Pour résumer, je dirais simplement ceci ; j’ai adoré l’histoire dans son ensemble, mais pas la relation amoureuse qui la constitue. Et c’est cela qui en fait aussi une réussite, aussi étonnant que cela puisse paraître.

Vous savez comment j’ai su que vous n’étiez pas Angelo quand on s’est embrassés ? Pas à cause de votre taille ou de votre odeur. Mais parce que vous aviez un goût de cendre. De trahison. Vous, sénateur Keaton, vous avez le goût amer et froid du poison.

Vous l’aurez compris : le Voleur de Baisers est sans un des meilleurs roman publié par Hugo, dont les avis sur ce blog sont souvent mitigé – il doit même s’agit du premier qui rencontre un réel enthousiaste. En dépit des critiques, tout à fait légitimes, cette histoire bordeline aux allures de contes de fées gothique, à la croisée des chemins entre la Belle et la Bête et Roméo et Juliette, saura vous transporter et vous rendre addictive avec ses scènes bouleversantes, ses personnages complexes et son intrigue travaillée. Ne la plaçons cependant pas en new romance mais en dark ; poussons plus loin l’analyse en songeant qu’il ne s’agit d’ailleurs pas d’une véritable romance, au vu de la relation entre Francesca et Wolfe ; aucun doute, l’histoire ne se termine pas sur un véritable happy end, mais vaut le détour.

Largement.

– Mais l’amour, ça ne devrait pas être bon ?

– Oh, rien n’est bon si ça n’a pas le pouvoir de faire mal aussi.

N’hésitez pas à me contacter sur mes réseaux en cas de besoin, ni à visiter mes comptes sur les plateformes d’écriture Wattpad et Fyctia pour découvrir mes histoires (de la romance et de la fantasy) et leurs mises à jour régulières !

Une réponse à « Le Voleur de Baisers, L.J. Shen »

  1. Avatar de I Will Be Your Romeo, Alana Scott – Dérive de Livres

    […] écrire ! – est qu’hormis quelques rares coups de cœurs (Ashes Falling For The Sky, Le Voleur de Baisers), je ne trouve jamais de lectures qui me plaisent réellement, et j’écume pas mal de […]

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